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  L’affaire Champmathieu. 439

cependant ils marchaient plus vite que moi. Ils ne faisaient aucun bruit en marchant. En un instant, cette foule me rejoignit et m’entoura. Les visages de ces hommes étaient couleur de terre.

« Alors le premier que j’avais vu et questionné en entrant dans la ville me dit : — Où allez-vous ? Est-ce que vous ne savez pas que vous êtes mort depuis longtemps ?

« J’ouvris la bouche pour répondre, et je m’aperçus qu’il n’y avait personne autour de moi. »

Il se réveilla. Il était glacé. Un vent qui était froid comme le vent du matin faisait tourner dans leurs gonds les châssis de la croisée restée ouverte. Le feu s’était éteint. La bougie touchait à sa fin. Il était encore nuit noire.

Il se leva, il alla à la fenêtre. Il n’y avait toujours pas d’étoiles au ciel.

De sa fenêtre on voyait la cour de la maison et la rue. Un bruit sec et dur qui résonna tout à coup sur le sol lui fit baisser les yeux.

Il vit au-dessous de lui deux étoiles rouges dont les rayons s’allongeaient et se raccourcissaient bizarrement dans l’ombre.

Comme sa pensée était encore à demi submergée dans la brume des rêves, — Tiens ! songea-t-il, il n’y en a pas dans le ciel. Elles sont sur la terre maintenant.

Cependant ce trouble se dissipa, un second bruit pareil au premier acheva de le réveiller, il regarda, et il reconnut que ces deux étoiles étaient les lanternes d’une voiture. À la clarté qu’elles jetaient, il put distinguer la forme de cette