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Page:Hugo - Les Misérables Tome I (1890).djvu/461

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  L’affaire Champmathieu. 453

Au moment où le voyageur, après la délibération intérieure que nous venons d’indiquer, prenait la résolution de rebrousser chemin, cet enfant revenait. Il était accompagné d’une vieille femme.

— Monsieur, dit la femme, mon garçon me dit que vous avez envie de louer un cabriolet.

Cette simple parole, prononcée par une vieille femme que conduisait un enfant, lui fit ruisseler la sueur dans les reins. Il crut voir la main qui l’avait lâché reparaître dans l’ombre derrière lui, toute prête à le reprendre.

Il répondit :

— Oui, bonne femme, je cherche un cabriolet à louer.

Et il se hâta d’ajouter :

— Mais il n’y en a pas dans le pays.

— Si fait, dit la vieille.

— Où ça donc ? reprit le charron.

— Chez moi, répliqua la vieille.

Il tressaillit. La main fatale l’avait ressaisi.

La vieille avait en effet sous un hangar une façon de carriole en osier. Le charron et le garçon d’auberge, désolés que le voyageur leur échappât, intervinrent.

— C’était une affreuse guimbarde, — cela était posé à cru sur l’essieu, — il est vrai que les banquettes étaient suspendues à l’intérieur avec des lanières de cuir, — il pleuvait dedans, — les roues étaient rouillées et rongées d’humidité, — cela n’irait pas beaucoup plus loin que le tilbury, — une vraie patache ! — Ce monsieur aurait bien tort de s’y embarquer, — etc., etc.

Tout cela était vrai, mais cette guimbarde, cette patache,