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  L’affaire Champmathieu. 459

Le froid le pénétrait. Il n’avait pas mangé depuis la veille. Il se rappelait vaguement son autre course nocturne dans la grande plaine aux environs de Digne. Il y avait huit ans ; et cela lui semblait hier.

Une heure sonna à quelque clocher lointain. Il demanda au garçon :

— Quelle est cette heure ?

— Sept heures, monsieur. Nous serons à Arras à huit. Nous n’avons plus que trois lieues.

En ce moment il fit pour la première fois cette réflexion — en trouvant étrange qu’elle ne lui fût pas venue plus tôt : — que c’était peut-être inutile, toute la peine qu’il prenait ; qu’il ne savait seulement pas l’heure du procès ; qu’il aurait dû au moins s’en informer ; qu’il était extravagant d’aller ainsi devant soi sans savoir si cela servirait à quelque chose. — Puis il ébaucha quelques calculs dans son esprit : — qu’ordinairement les séances des cours d’assises commençaient à neuf heures du matin ; — que cela ne devait pas être long, cette affaire-là ; — que le vol de pommes, ce serait très court ; — qu’il n’y aurait plus ensuite qu’une question d’identité ; — quatre ou cinq dépositions, peu de chose à dire pour les avocats ; — qu’il allait arriver lorsque tout serait fini !

Le postillon fouettait les chevaux. Ils avaient passé la rivière et laissé derrière eux Mont-Saint-Éloy.

La nuit devenait de plus en plus profonde.