L’affaire Champmathieu. | 489 |
été obligé de faire allusion à une poule en pleine oraison funèbre, et il s’en est tiré avec pompe. L’avocat avait établi que le vol de pommes n’était pas matériellement prouvé. — Son client, qu’en sa qualité de défenseur, il persistait à appeler Champmathieu, n’avait été vu de personne escaladant le mur ou cassant la branche. — On l’avait arrêté nanti de cette branche (que l’avocat appelait plus volontiers rameau) ; — mais il disait l’avoir trouvée à terre et ramassée. Où était la preuve du contraire ? — Sans doute cette branche avait été cassée et dérobée après escalade, puis jetée là par le maraudeur alarmé ; sans doute il y avait un voleur ; — qu’est-ce qui prouvait que ce voleur était Champmathieu ? Une seule chose. Sa qualité d’ancien forçat. L’avocat ne niait pas que cette qualité ne parût malheureusement bien constatée ; l’accusé avait résidé à Faverolles ; l’accusé y avait été émondeur ; le nom de Champmathieu pouvait bien avoir pour origine Jean Mathieu ; tout cela était vrai ; enfin quatre témoins reconnaissaient sans hésiter et positivement Champmathieu pour être le galérien Jean Valjean ; à ces indications, à ces témoignages, l’avocat ne pouvait opposer que la dénégation de son client, dénégation très intéressée ; mais en supposant qu’il fût le forçat Jean Valjean, cela prouvait-il qu’il fût le voleur des pommes ? C’était une présomption tout au plus ; non une preuve. L’accusé, cela était vrai, et le défenseur « dans sa bonne foi » devait en convenir, avait adopté « un mauvais système de défense ». Il s’obstinait à nier tout, le vol et sa qualité de forçat. Un aveu de ce dernier point eût mieux valu, à coup sûr, et lui eût concilié l’indulgence de ses juges ; l’avocat le lui avait conseillé ;