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496 Les Misérables. ― Fantine.  

les plus graves pèsent sur vous et peuvent entraîner des conséquences capitales. Accusé, dans votre intérêt, je vous interpelle une dernière fois, expliquez-vous clairement sur ces deux faits : — Premièrement, avez-vous, oui ou non, franchi le mur du clos Pierron, cassé la branche et volé les pommes, c’est-à-dire, commis le crime de vol avec escalade ? Deuxièmement, oui ou non, êtes-vous le forçat libéré Jean Valjean ?

L’accusé secoua la tête d’un air capable, comme un homme qui a bien compris et qui sait ce qu’il va répondre. Il ouvrit la bouche, se tourna vers le président et dit :

— D’abord…

Puis il regarda son bonnet, il regarda le plafond, et se tut.

— Accusé, reprit l’avocat général d’une voix sévère, faites attention. Vous ne répondez à rien de ce qu’on vous demande. Votre trouble vous condamne. Il est évident que vous ne vous appelez pas Champmathieu, que vous êtes le forçat Jean Valjean caché d’abord sous le nom de Jean Mathieu qui était le nom de sa mère, que vous êtes allé en Auvergne, que vous êtes né à Faverolles où vous avez été émondeur. Il est évident que vous avez volé avec escalade des pommes mûres dans le clos Pierron. Messieurs les jurés apprécieront.

L’accusé avait fini par se rasseoir ; il se leva brusquement quand l’avocat général eut fini, et s’écria :

— Vous êtes très méchant, vous ! Voilà ce que je voulais dire. Je ne trouvais pas d’abord. Je n’ai rien volé. Je suis un homme qui ne mange pas tous les jours. Je venais d’Ailly, je marchais dans le pays après une ondée qui avait