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Un juste…

— Je vous remercie, dit l’évêque.

G. reprit :

— Revenons à l’explication que vous me demandiez. Où en étions-nous ? Que me disiez-vous ? que 93 a été inexorable ?

— Inexorable, oui, dit l’évêque. Que pensez-vous de Marat battant des mains à la guillotine ?

— Que pensez-vous de Bossuet chantant le Te Deum sur les dragonnades ?

La réponse était dure, mais elle allait au but avec la rigidité d’une pointe d’acier. L’évêque en tressaillit, il ne lui vint aucune riposte ; mais il était froissé de cette façon de nommer Bossuet. Les meilleurs esprits ont leurs fétiches, et parfois se sentent vaguement meurtris des manques de respect de la logique.

Le conventionnel commençait à haleter ; l’asthme de l’agonie, qui se mêle aux derniers souffles, lui entrecoupait la voix ; cependant il avait encore une parfaite lucidité d’âme dans les yeux. Il continua :

— Disons encore quelques mots çà et là, je veux bien. En dehors de la révolution, qui, prise dans son ensemble, est une immense affirmation humaine, 93, hélas ! est une réplique. Vous le trouvez inexorable, mais toute la monarchie, monsieur ? Carrier est un bandit ; mais quel nom donnez-vous à Montrevel ? Fouquier-Tinville est un gueux ; mais quel est votre avis sur Lamoignon-Bâville ? Maillard est affreux, mais Saulx-Tavannes, s’il vous plaît ? Le père Duchêne est féroce, mais quelle épithète m’accorderez-vous pour le père Letellier ? Jourdan-Coupe-Tête est un monstre, mais moindre que M. le marquis de Louvois. Monsieur,