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LES MISÉRABLES. — JEAN VALJEAN.

une sorte de loisir irritant, s’exposent avant l’heure au feu, mais en apparence plus qu’en réalité, et prennent leurs aises. Les apprêts d’attaque se font toujours avec une certaine lenteur méthodique ; après quoi, la foudre.

Cette lenteur permit à Enjolras de tout revoir et de tout perfectionner. Il sentait que puisque de tels hommes allaient mourir, leur mort devait être un chef-d’œuvre.

Il dit à Marius : — Nous sommes les deux chefs. Je vais donner les derniers ordres au dedans. Toi, reste dehors et observe.

Marius se posta en observation sur la crête de la barricade.

Enjolras fit clouer la porte de la cuisine qui, on s’en souvient, était l’ambulance.

— Pas d’éclaboussures sur les blessés, dit-il.

Il donna ses dernières instructions dans la salle basse d’une voix brève, mais profondément tranquille ; Feuilly écoutait et répondait au nom de tous.

— Au premier étage, tenez des haches prêtes pour couper l’escalier. Les a-t-on ?

— Oui, dit Feuilly.

— Combien ?

— Deux haches et un merlin.

— C’est bien. Nous sommes vingt-six combattants debout. Combien y a-t-il de fusils ?

— Trente-quatre.

— Huit de trop. Tenez ces fusils chargés comme les autres et sous la main. Aux ceintures les sabres et les pistolets. Vingt hommes à la barricade. Six embusqués aux