Page:Hugo - Les Misérables Tome V (1890).djvu/164

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
158
LES MISÉRABLES. — JEAN VALJEAN.

son engloutissement à la cité et à l’univers. Urbi et orbi. Ville éternelle, égout insondable.

Pour ces choses-là comme pour d’autres, Rome donne l’exemple.

Cet exemple, Paris le suit, avec toute la bêtise propre aux villes d’esprit.

Pour les besoins de l’opération sur laquelle nous venons de nous expliquer, Paris a sous lui un autre Paris ; un Paris d’égouts ; lequel a ses rues, ses carrefours, ses places, ses impasses, ses artères, et sa circulation, qui est de la fange, avec la forme humaine de moins.

Car il ne faut rien flatter, pas même un grand peuple ; là où il y a tout, il y a l’ignominie à côté de la sublimité ; et, si Paris contient Athènes, la ville de lumière, Tyr, la ville de puissance, Sparte, la ville de vertu, Ninive, la ville de prodige, il contient aussi Lutèce, la ville de boue.

D’ailleurs le cachet de sa puissance est là aussi, et la titanique sentine de Paris réalise, parmi les monuments, cet idéal étrange réalisé dans l’humanité par quelques hommes tels que Machiavel, Bacon et Mirabeau, le grandiose abject.

Le sous-sol de Paris, si l’œil pouvait en pénétrer la surface, présenterait l’aspect d’un madrépore colossal. Une éponge n’a guère plus de pertuis et de couloirs que la motte de terre de six lieues de tour sur laquelle repose l’antique grande ville. Sans parler des catacombes, qui sont une cave à part, sans parler de l’inextricable treillis des conduits du gaz, sans compter le vaste système tubulaire de la distri-