Aller au contenu

Page:Hugo - Les Misérables Tome V (1890).djvu/228

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
222
LES MISÉRABLES. — JEAN VALJEAN.

sous-sol. Parfois un fontis était profond de trois ou quatre pieds, parfois de huit ou dix ; quelquefois on ne trouvait pas le fond. La vase était ici presque solide, là, presque liquide. Dans le fontis Lunière, un homme eût mis un jour à disparaître, tandis qu’il eût été dévoré en cinq minutes par le bourbier Phélippeaux. La vase porte plus ou moins selon son plus ou moins de densité. Un enfant se sauve ou un homme se perd. La première loi de salut, c’est de se dépouiller de toute espèce de chargement. Jeter son sac d’outils, ou sa hotte ou son auge, c’était par là que commençait tout égoutier qui sentait le sol fléchir sous lui.

Le fontis avait des causes diverses : friabilité du sol ; quelque éboulement a une profondeur hors de la portée de l’homme ; les violentes averses de l’été ; l’ondée incessante de l’hiver ; les longues petites pluies fines. Parfois le poids des maisons environnantes sur un terrain marneux ou sablonneux chassait les voûtes des galeries souterraines et les faisait gauchir, ou bien il arrivait que le radier éclatait et se fendait sous cette écrasante poussée. Le tassement du Panthéon a oblitéré de cette façon, il y a un siècle, une partie des caves de la montagne Sainte-Geneviève. Quand un égout s’effondrait sous la pression des maisons, le désordre, dans certaines occasions, se traduisait en haut dans la rue par une espèce d’écart en dents de scie entre les pavés ; cette déchirure se développait en ligne serpentante dans toute la longueur de la voûte lézardée, et alors, le mal étant visible, le remède pouvait être prompt. Il advenait aussi que souvent le ravage intérieur ne se révélait par aucune balafre au dehors. Et dans ce cas-là, malheur aux