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LE PETIT-FILS ET LE GRAND-PÈRE.

— Quoi, mon père ?

— N’avais-tu pas un ami intime ?

— Oui, Courfeyrac.

— Qu’est-il devenu ?

— Il est mort.

— Ceci est bon.

Il s’assit près d’eux, fit asseoir Cosette, et prit leurs quatre mains dans ses vieilles mains ridées.

— Elle est exquise, cette mignonne. C’est un chef-d’œuvre, cette Cosette-là ! Elle est très petite fille et très grande dame. Elle ne sera que baronne, c’est déroger ; elle est née marquise. Vous a-t-elle des cils ! Mes enfants, fichez-vous bien dans la caboche que vous êtes dans le vrai. Aimez-vous. Soyez-en bêtes. L’amour, c’est la bêtise des hommes et l’esprit de Dieu. Adorez-vous. Seulement, ajouta-t-il rembruni tout à coup, quel malheur ! Voilà que j’y pense ! Plus de la moitié de ce que j’ai est en viager ; tant que je vivrai, cela ira encore, mais après ma mort, dans une vingtaine d’années d’ici, ah ! mes pauvres enfants, vous n’aurez pas le sou ! Vos belles mains blanches, madame la baronne, feront au diable l’honneur de le tirer par la queue.

Ici on entendit une voix grave et tranquille qui disait :

— Mademoiselle Euphrasie Fauchelevent a six cent mille francs.

C’était la voix de Jean Valjean.

Il n’avait pas encore prononcé une parole, personne ne semblait même plus savoir qu’il était là, et il se tenait debout et immobile derrière tous ces gens heureux.