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LE PETIT-FILS ET LE GRAND-PÈRE.

vième siècle est veule. Il manque d’excès. Il ignore le riche, il ignore le noble. En toute chose, il est tondu ras. Votre tiers état est insipide, incolore, inodore et informe. Rêves de vos bourgeoises qui s’établissent, comme elles disent : un joli boudoir fraîchement décoré, palissandre et calicot. Place ! place ! le sieur Grigou épouse la demoiselle Grippesou. Somptuosité et splendeur ! on a collé un louis d’or à un cierge. Voilà l’époque. Je demande à m’enfuir au delà des sarmates. Ah ! dès 1787, j’ai prédit que tout était perdu le jour où j’ai vu le duc de Rohan, prince de Léon, duc de Chabot, duc de Montbazon, marquis de Soubise, vicomte de Thouars, pair de France, aller à Longchamps en tapecu ! Cela a porté ses fruits. Dans ce siècle on fait des affaires, on joue à la Bourse, on gagne de l’argent, et l’on est pingre. On soigne et on vernit sa surface ; on est tiré à quatre épingles, lavé, savonné, ratissé, rasé, peigné, ciré, lissé, frotté, brossé, nettoyé au dehors, irréprochable, poli comme un caillou, discret, propret, et en même temps, vertu de ma mie ! on a au fond de la conscience des fumiers et des cloaques à faire reculer une vachère qui se mouche dans ses doigts. J’octroie à ce temps-ci cette devise : Propreté sale. Marius, ne te fâche pas, donne-moi la permission de parler, je ne dis pas de mal du peuple, tu vois, j’en ai plein la bouche de ton peuple, mais trouve bon que je flanque un peu une pile à la bourgeoisie. J’en suis. Qui aime bien cingle bien. Sur ce, je le dis tout net, aujourd’hui on se marie, mais on ne sait plus se marier. Ah ! c’est vrai, je regrette la gentillesse des anciennes mœurs. J’en regrette tout. Cette élégance, cette chevalerie, ces façons courtoises