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LA DERNIÈRE GORGÉE DU CALICE.

qui a été aux galères. Elle a vu un jour passer la chaîne. Oh mon Dieu !

Il s’affaissa sur un fauteuil et cacha son visage dans ses deux mains. On ne l’entendait pas, mais aux secousses de ses épaules, on voyait qu’il pleurait. Pleurs silencieux, pleurs terribles.

Il y a de l’étouffement dans le sanglot. Une sorte de convulsion le prit, il se renversa en arrière sur le dossier du fauteuil comme pour respirer, laissant pendre ses bras et laissant voir à Marius sa face inondée de larmes, et Marius l’entendit murmurer si bas que sa voix semblait être dans une profondeur sans fond : — Oh, je voudrais mourir !

— Soyez tranquille, dit Marius, je garderai votre secret pour moi seul.

Et, moins attendri peut-être qu’il n’aurait dû l’être, mais obligé depuis une heure de se familiariser avec un inattendu effroyable, voyant par degrés un forçat se superposer sous ses yeux à M. Fauchelevent, gagné peu à peu par cette réalité lugubre, et amené par la pente naturelle de la situation à constater l’intervalle qui venait de se faire entre cet homme et lui, Marius ajouta :

— Il est impossible que je ne vous dise pas un mot du dépôt que vous avez si fidèlement et si honnêtement remis. C’est là un acte de probité. Il est juste qu’une récompense vous soit donnée. Fixez la somme vous-même, elle vous sera comptée. Ne craignez pas de la fixer très haut.

— Je vous en remercie, monsieur, répondit Jean Valjean avec douceur.

Il resta pensif un moment, passant machinalement le