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Page:Hugo - Les Misérables Tome V (1890).djvu/423

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LA DERNIÈRE GORGÉE DU CALICE.

ce Fauchelevent devenu Jean Valjean, était à présent mêlé d’horreur.

Dans cette horreur, disons-le, il y avait quelque pitié, et même une certaine surprise.

Ce voleur, ce voleur récidiviste, avait restitué un dépôt. Et quel dépôt ? Six cent mille francs. Il était seul dans le secret du dépôt. Il pouvait tout garder, il avait tout rendu.

En outre, il avait révélé de lui-même sa situation. Rien ne l’y obligeait. Si l’on savait qui il était, c’était par lui. Il y avait dans cet aveu plus que l’acceptation de l’humiliation, il y avait l’acceptation du péril. Pour un condamné, un masque n’est pas un masque, c’est un abri. Il avait renoncé à cet abri. Un faux nom, c’est de la sécurité ; il avait rejeté ce faux nom. Il pouvait, lui galérien, se cacher à jamais dans une famille honnête ; il avait résisté à cette tentation. Et pour quel motif ? par scrupule de conscience. Il l’avait expliqué lui-même avec l’irrésistible accent de la réalité. En somme, quel que fût ce Jean Valjean, c’était incontestablement une conscience qui se réveillait. Il y avait là on ne sait quelle mystérieuse réhabilitation commencée ; et, selon toute apparence, depuis longtemps déjà le scrupule était maître de cet homme. De tels accès du juste et du bien ne sont pas propres aux natures vulgaires. Réveil de conscience, c’est grandeur d’âme.

Jean Valjean était sincère. Cette sincérité, visible, palpable, irréfragable, évidente même par la douleur qu’elle lui faisait, rendait les informations inutiles et donnait autorité à tout ce que disait cet homme. Ici, pour Marius, interversion étrange des situations. Que sortait-il de M. Fauche-