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LES MISÉRABLES. — JEAN VALJEAN.

Il dégagea ses mains.

— Vous n’avez plus besoin de père, vous avez un mari.

Cosette s’emporta.

— Je n’ai plus besoin de père ! Des choses comme çà qui n’ont pas le sens commun, on ne sait que dire vraiment !

— Si Toussaint était là, reprit Jean Valjean comme quelqu’un qui en est à chercher des autorités et qui se rattache à toutes les branches, elle serait la première à convenir que c’est vrai que j’ai toujours eu mes manières à moi. Il n’y a rien de nouveau. J’ai toujours aimé mon coin noir.

— Mais il fait froid ici. On n’y voit pas clair. C’est abominable, ça, de vouloir être monsieur Jean. Je ne veux pas que vous me disiez vous.

— Tout à l’heure, en venant, répondit Jean Valjean, j’ai vu rue Saint-Louis un meuble. Chez un ébéniste. Si j’étais une jolie femme, je me donnerais ce meuble-là. Une toilette très bien ; genre d’à présent. Ce que vous appelez du bois de rose, je crois. C’est incrusté. Une glace assez grande. Il y a des tiroirs. C’est joli.

— Hou ! le vilain ours ! répliqua Cosette.

Et avec une gentillesse suprême, serrant les dents et écartant les lèvres, elle souffla contre Jean Valjean. C’était une Grâce copiant une chatte.

— Je suis furieuse, reprit-elle. Depuis hier vous me faites tous rager. Je bisque beaucoup. Je ne comprends pas. Vous ne me défendez pas contre Marius. Marius ne me soutient pas contre vous. Je suis toute seule. J’arrange une chambre gentiment. Si j’avais pu y mettre le bon Dieu, je l’y aurais mis. On me laisse ma chambre sur les bras. Mon