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LES MISÉRABLES. — JEAN VALJEAN.

— Parlez.

— Monsieur le baron, vous avez chez vous un voleur et un assassin.

Marius tressaillit.

— Chez moi ? non, dit-il.

L’inconnu, imperturbable, brossa son chapeau du coude, et poursuivit :

— Assassin et voleur. Remarquez, monsieur le baron, que je ne parle pas ici de faits anciens, arriérés, caducs, qui peuvent être effacés par la prescription devant la loi et par le repentir devant Dieu. Je parle de faits récents, de faits actuels, de faits encore ignorés de la justice à cette heure. Je continue. Cet homme s’est glissé dans votre confiance, et presque dans votre famille, sous un faux nom. Je vais vous dire son nom vrai. Et vous le dire pour rien.

— J’écoute.

— Il s’appelle Jean Valjean.

— Je le sais.

— Je vais vous dire, également pour rien, qui il est.

— Dites.

— C’est un ancien forçat.

— Je le sais.

— Vous le savez depuis que j’ai eu l’honneur de vous le dire.

— Non. Je le savais auparavant.

Le ton froid de Marius, cette double réplique je le sais, son laconisme réfractaire au dialogue, remuèrent dans l’inconnu quelque colère sourde. Il décocha à la dérobée à Marius un regard furieux, tout de suite éteint. Si rapide