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LA GUERRE ENTRE QUATRE MURS.

même. Il lui est naturel d’être heureuse. Il semble que sa respiration soit faite d’espérance.

Du reste, Cosette ne pouvait parvenir à se rappeler ce que Marius lui avait dit au sujet de cette absence qui ne devait durer qu’un jour, et quelle explication il lui en avait donnée. Tout le monde a remarqué avec quelle adresse une monnaie qu’on laisse tomber à terre court se cacher, et quel art elle a de se rendre introuvable. Il y a des pensées qui nous jouent le même tour ; elles se blottissent dans un coin de notre cerveau ; c’est fini, elles sont perdues ; impossible de remettre la mémoire dessus. Cosette se dépitait quelque peu du petit effort inutile que faisait son souvenir. Elle se disait que c’était bien mal à elle et bien coupable d’avoir oublié des paroles prononcées par Marius.

Elle sortit du lit et fit les deux ablutions de l’âme et du corps, sa prière et sa toilette.

On peut à la rigueur introduire le lecteur dans une chambre nuptiale, non dans une chambre virginale. Le vers l’oserait à peine, la prose ne le doit pas.

C’est l’intérieur d’une fleur encore close, c’est une blancheur dans l’ombre, c’est la cellule intime d’un lys fermé qui ne doit pas être regardé par l’homme tant qu’il n’a pas été regardé par le soleil. La femme en bouton est sacrée. Ce lit innocent qui se découvre, cette adorable demi-nudité qui a peur d’elle-même, ce pied blanc qui se réfugie dans une pantoufle, cette gorge qui se voile devant un miroir comme si ce miroir était une prunelle, cette chemise qui se hâte de remonter et de cacher l’épaule pour un meuble qui craque ou pour une voiture qui passe, ces cordons