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LA GUERRE ENTRE QUATRE MURS.

« Enfants Abandonnés » que la police constate, ramasse, égare et retrouve sur le pavé de Paris.

Il fallait le trouble d’un tel jour pour que ces petits misérables fussent dans ce jardin. Si les surveillants les eussent aperçus, ils eussent chassé ces haillons. Les petits pauvres n’entrent pas dans les jardins publics : pourtant on devrait songer que, comme enfants, ils ont droit aux fleurs.

Ceux-ci étaient là, grâce aux grilles fermées. Ils étaient en contravention. Ils s’étaient glissés dans le jardin, et ils y étaient restés. Les grilles fermées ne donnent pas congé aux inspecteurs, la surveillance est censée continuer, mais elle s’amollit et se repose ; et les inspecteurs, émus eux aussi par l’anxiété publique et plus occupés du dehors que du dedans, ne regardaient plus le jardin, et n’avaient pas vu les deux délinquants.

Il avait plu la veille, et même un peu le matin. Mais en juin les ondées ne comptent pas. C’est à peine si l’on s’aperçoit, une heure après un orage, que cette belle journée blonde a pleuré. La terre en été est aussi vite sèche que la joue d’un enfant.

À cet instant du solstice, la lumière du plein midi est, pour ainsi dire, poignante. Elle prend tout. Elle s’applique et se superpose à la terre avec une sorte de succion. On dirait que le soleil a soif. Une averse est un verre d’eau ; une pluie est tout de suite bue. Le matin tout ruisselait, l’après-midi tout poudroie.

Rien n’est admirable comme une verdure débarbouillée par la pluie et essuyée par le rayon ; c’est de la fraîcheur chaude. Les jardins et les prairies, ayant de l’eau dans leurs