Page:Hugo - Les Misérables Tome III (1890).djvu/332

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pavée. Ils peuvent y arriver en voiture. Les petits, les pauvres gens, les malheureux, quoi ! on les met dans le bas, où il y a de la boue jusqu’aux genoux, dans les trous, dans l’humidité. On les met là pour qu’ils soient plus vite gâtés ! On ne peut pas aller les voir sans enfoncer dans la terre.

Ici il s’arrêta, frappa du poing sur la table, et ajouta en grinçant des dents :

— Oh ! je mangerais le monde !

Une grosse femme qui pouvait avoir quarante ans ou cent ans était accroupie près de la cheminée sur ses talons nus.

Elle n’était vêtue, elle aussi, que d’une chemise, et d’un jupon de tricot rapiécé avec des morceaux de vieux drap. Un tablier de grosse toile cachait la moitié du jupon. Quoique cette femme fût pliée et ramassée sur elle-même, on voyait qu’elle était de très haute taille. C’était une espèce de géante à côté de son mari. Elle avait d’affreux cheveux d’un blond roux grisonnants qu’elle remuait de temps en temps avec ses énormes mains luisantes à ongles plats.

À côté d’elle était posé à terre, tout grand ouvert, un volume du même format que l’autre, et probablement du même roman.

Sur un des grabats, Marius entrevoyait une espèce de longue petite fille blême assise, presque nue et les pieds pendants, n’ayant l’air ni d’écouter, ni de voir, ni de vivre.

La sœur cadette sans doute de celle qui était venue chez lui.

Elle paraissait onze ou douze ans. En l’examinant avec attention, on reconnaissait qu’elle en avait bien quatorze.