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LE LABEUR

était droite, debout, immobile, solide. La plaque de soutènement s’appuyait de ses quatre angles et d’aplomb sur la cale.

C’était fait.

Gilliatt regarda, éperdu.

Le pauvre être n’était point gâté par la joie. Il eut le fléchissement d’un immense bonheur. Il sentit tous ses membres plier ; et, devant son triomphe, lui qui n’avait pas eu un trouble jusqu’alors, il se mit à trembler.

Il considéra la panse sous l’épave, et la machine dans la panse. Il semblait n’y pas croire. On eût dit qu’il ne s’attendait pas à ce qu’il avait fait. Un prodige lui était sorti des mains, et il le regardait avec stupeur.

Cet effarement dura peu.

Gilliatt eut le mouvement d’un homme qui se réveille, se jeta sur la scie, coupa les huit câbles, puis, séparé maintenant de la panse, grâce au soulèvement du flux, d’une dizaine de pieds seulement, il y sauta, prit un rouleau de filin, fabriqua quatre élingues, les passa dans les anneaux préparés d’avance, et fixa, des deux côtés, au bord de la panse, les quatre chaînes de la cheminée encore attachées une heure auparavant au bord de la Durande.

La cheminée amarrée, Gilliatt dégagea le haut de la machine. Un morceau carré du tablier du pont de la Durande y adhérait. Gilliatt le décloua, et débarrassa la panse de cet encombrement de planches et de solives qu’il jeta sur le rocher. Allégement utile.

Du reste, la panse, comme on devait le prévoir, s’était maintenue fermement sous la surcharge de la machine. La