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Page:Hugo - Les Travailleurs de la mer Tome II (1892).djvu/153

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LA LUTTE

On dit : anguille sous roche ; on devrait dire : tempête sous calme.

Quelques heures, quelques jours parfois, se passent ainsi. Les pilotes braquent leurs longues-vues çà et là. Le visage des vieux marins a un air de sévérité qui tient à la colère secrète de l’attente.

Subitement on entend un grand murmure confus. Il y a une sorte de dialogue mystérieux dans l’air.

On ne voit rien.

L’étendue demeure impassible.

Cependant le bruit s’accroît, grossit, s’élève. Le dialogue s’accentue.

Il y a quelqu’un derrière l’horizon.

Quelqu’un de terrible, le vent.

Le vent, c’est-à-dire cette populace de titans que nous appelons les souffles.

L’immense canaille de l’ombre.

L’Inde les nommait les Marouts, la Judée les Kéroubims, la Grèce les Aquilons. Ce sont les invisibles oiseaux fauves de l’infini. Ces borées accourent.