Page:Hugo - Les Travailleurs de la mer Tome II (1892).djvu/250

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
240
LES TRAVAILLEURS DE LA MER

Le soleil paraissait le regarder.

Si cet homme nu n’était pas mort, il en était si près qu’il suffisait du moindre vent froid pour l’achever.

Le vent se mit à souffler, tiède et vivifiant ; la printanière haleine de mai.

Cependant le soleil montait dans le profond ciel bleu ; son rayon moins horizontal s’empourpra. Sa lumière devint chaleur. Elle enveloppa Gilliatt.

Gilliatt ne bougeait pas. S’il respirait, c’était de cette respiration prête à s’éteindre qui ternirait à peine un miroir.

Le soleil continua son ascension, de moins en moins oblique sur Gilliatt. Le vent, qui n’avait été d’abord que tiède, était maintenant chaud.

Ce corps rigide et nu demeurait toujours sans mouvement ; pourtant la peau semblait moins livide.

Le soleil, approchant du zénith, tomba à plomb sur le plateau de la Douvre. Une prodigalité de lumière se versa du haut du ciel ; la vaste réverbération de la mer sereine s’y joignit ; le rocher commença à tiédir, et réchauffa l’homme.

Un soupir souleva la poitrine de Gilliatt.

Il vivait.

Le soleil continua ses caresses, presque ardentes. Le vent, qui était déjà le vent de midi et le vent d’été, s’approcha de Gilliatt comme une bouche, soufflant mollement.

Gilliatt remua.

L’apaisement de la mer était inexprimable. Elle avait un murmure de nourrice près de son enfant. Les vagues paraissaient bercer l’écueil.