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NUIT ET LUNE

prenait le choix des Hanois, la côte aisément gagnée à la nage, un séjour dans la maison visionnée en attendant l’occasion de fuir. Le sac-valise, cet en-cas, achevait la démonstration. Par quel lien cette aventure se rattachait-elle à l’autre aventure, celle du garde-côte, on ne le saisissait point. On devinait une corrélation ; rien de plus. On entrevoyait, du côté de cet homme, le garde-marine numéro 619, tout un drame tragique. Clubin peut-être n’y jouait pas, mais on l’apercevait dans la coulisse.

Tout ne s’expliquait point par la baraterie. Il y avait un revolver sans emploi. Ce revolver était probablement de l’autre affaire.

Le flair du peuple est fin et juste. L’instinct public excelle dans ces restaurations de la vérité faites de pièces et de morceaux. Seulement, dans ces faits d’où se dégageait une baraterie vraisemblable, il y avait de sérieuses incertitudes.

Tout se tenait, tout concordait ; mais la base manquait.

On ne perd pas un navire pour le plaisir de le perdre. On ne court point tous ces risques de brouillard, d’écueil, de nage, de refuge et de fuite, sans un intérêt. Quel avait pu être l’intérêt de Clubin ?

On voyait son acte, on ne voyait pas son motif.

De là un doute dans beaucoup d’esprits. Où il n’y a point de motif, il semble qu’il n’y ait plus d’acte.

La lacune était grave.

Cette lacune, la lettre de Rantaine venait la combler.

Cette lettre donnait le motif de Clubin. Soixante-quinze mille francs à voler.