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DÉPART DU « CASHMERE »

nés d’hier. Il est probable que leur coquille d’œuf cassée par leur petit bec était encore dans le nid. Des essais d’ailes bruissaient dans le tremblement des branches. Ils chantaient leur premier chant, ils volaient leur premier vol. C’était un doux parlage de tous à la fois, huppes, mésanges, piquebois, chardonnerets, bouvreuils, moines et misses. Les lilas, les muguets, les daphnés, les glycines, faisaient dans les fourrés un bariolage exquis. Une très jolie lentille d’eau qu’il y a à Guernesey couvrait les mares d’une nappe d’émeraude. Les bergeronnettes et les épluque-pommiers qui font de si gracieux petits nids s’y baignaient. Par toutes les claires-voies de la végétation on apercevait le bleu du ciel. Quelques nuées lascives s’entre-poursuivaient dans l’azur avec des ondoiements de nymphes. On croyait sentir passer des baisers que s’envoyaient des bouches invisibles. Pas un vieux mur qui n’eût, comme un marié, son bouquet de giroflées. Les prunelliers étaient en fleur, les cytises étaient en fleur ; on voyait ces monceaux blancs qui luisaient et ces monceaux jaunes qui étincelaient à travers les entre-croisements des rameaux. Le printemps jetait tout son argent et tout son or dans l’immense panier percé des bois. Les pousses nouvelles étaient toutes fraîches vertes. On entendait en l’air des cris de bienvenue. L’été hospitalier ouvrait sa porte aux oiseaux lointains. C’était l’instant de l’arrivée des hirondelles. Les thyrses des ajoncs bordaient les talus des chemins creux, en attendant les thyrses des aubépines. Le beau et le joli faisaient bon voisinage ; le superbe se complétait par le gracieux ; le grand ne gênait pas le petit ; aucune note du concert ne se perdait ; les ma-