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DÉPART DU « CASHMERE »

du murmure des mers et du bourdonnement des mouches. La nature, perméable au printemps, était moite de volupté.

Quand Gilliatt arriva à Saint-Sampson, il n’y avait pas encore d’eau au fond du port, et il put le traverser à pied sec, inaperçu derrière les coques de navires au radoub. Un cordon de pierres plates espacées qu’il y a là aide à ce passage.

Gilliatt ne fut pas remarqué. La foule était à l’autre bout du port, près du goulet, aux Bravées. Là son nom était dans toutes les bouches. On parlait tant de lui qu’on ne fit pas attention à lui. Gilliatt passa, caché en quelque sorte par le bruit qu’il faisait.

Il vit de loin la panse à la place où il l’avait amarrée, la cheminée de la machine entre ses quatre chaînes, un mouvement de charpentiers à l’ouvrage, des silhouettes confuses d’allants et de venants, et il entendit la voix tonnante et joyeuse de mess Lethierry donnant des ordres.

Il s’enfonça dans les ruettes.

Il n’y avait personne derrière les Bravées, toute la curiosité étant sur le devant. Gilliatt prit le sentier longeant le mur bas du jardin. Il s’arrêta dans l’angle où était la mauve sauvage ; il revit la pierre où il s’était assis ; il revit le banc de bois où s’était assise Déruchette. Il regarda la terre de l’allée où il avait vu s’embrasser deux ombres, qui avaient disparu.

Il se remit en marche. Il gravit la colline du château du Valle, puis la redescendit, et se dirigea vers le Bû de la Rue.

Le Houmet-Paradis était solitaire.