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L’ÉCUEIL

l’horizon, le soleil se levait bien. C’était une seconde belle journée qui commençait. Gilliatt se sentit joyeux.

Il quitta son suroît et ses jambières, les roula dans la peau de mouton, la laine en dedans, noua le rouleau d’un bout de funin, et le poussa au fond de la tanière, à l’abri d’une pluie éventuelle.

Puis il fit son lit, c’est-à-dire retira les cailloux.

Son lit fait, il se laissa glisser le long de la corde sur le pont de la Durande, et courut à la niche où il avait déposé le panier de provisions.

Le panier n’y était plus. Comme il était fort près du bord, le vent de la nuit l’avait emporté et jeté dans la mer.

Ceci annonçait l’intention de se défendre.

Il avait fallu au vent une certaine volonté et une certaine malice pour aller chercher là ce panier.

C’était un commencement d’hostilités. Gilliatt le comprit.

Il est très difficile, quand on vit dans la familiarité bourrue de la mer, de ne point regarder le vent comme quelqu’un et les rochers comme des personnages.

Il ne restait plus à Gilliatt, avec le biscuit et la farine de seigle, que la ressource des coquillages dont s’était nourri le naufragé mort de faim sur le rocher l’Homme.

Quant à la pêche, il n’y fallait point songer. Le poisson, ennemi des chocs, évite les brisants ; les nasses et les chaluts perdent leur peine dans les récifs, et ces pointes ne sont bonnes qu’à déchirer les filets.

Gilliatt déjeuna de quelques poux de roque, qu’il détacha fort malaisément du rocher. Il faillit y casser son couteau.