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L’ÉCUEIL

le chromatisme des lentilles d’optique trop convexes ; des spectres solaires flottaient sous l’eau. On croyait voir se tordre dans cette diaphanéité aurorale des tronçons d’arcs-en-ciel noyés. Ailleurs, en d’autres coins, il y avait dans l’eau un certain clair de lune. Toutes les splendeurs semblaient amalgamées là pour faire on ne sait quoi d’aveugle et de nocturne. Rien de plus troublant et de plus énigmatique que ce faste dans cette cave. Ce qui dominait, c’était l’enchantement. La végétation fantasque et la stratification informe s’accordaient et dégageaient une harmonie. Ce mariage de choses farouches était heureux. Les ramifications se cramponnaient en ayant l’air d’effleurer. La caresse du roc sauvage et de la fleur fauve était profonde. Des piliers massifs avaient pour chapiteaux et pour ligatures de frêles guirlandes toutes pénétrées de frémissement, on songeait à des doigts de fées chatouillant des pieds de béhémoths, et le rocher soutenait la plante et la plante étreignait le rocher avec une grâce monstrueuse.

La résultante de ces difformités mystérieusement ajustées était on ne sait quelle beauté souveraine. Les œuvres de la nature, non moins suprêmes que les œuvres du génie, contiennent de l’absolu, et s’imposent. Leur inattendu se fait obéir impérieusement par l’esprit ; on y sent une préméditation qui est en dehors de l’homme, et elles ne sont jamais plus saisissantes que lorsqu’elles font subitement sortir l’exquis du terrible.

Cette grotte inconnue était, pour ainsi dire, et si une telle expression est admissible, sidéralisée. On y subissait ce que la stupeur a de plus imprévu. Ce qui emplissait cette