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UNE MAUVAISE RÉPUTATION

Candide, par Voltaire, Avis au peuple sur sa santé, par Tissot. Un gentilhomme français, émigré, retiré à Saint-Sampson, avait dit : Ce doit être le Tissot qui a porté la tête de la princesse De Lamballe.

Le révérend avait remarqué sur un de ces livres ce titre véritablement bourru et menaçant : De Rhubarbaro.

Disons-le pourtant, l’ouvrage étant, comme le titre l’indique, écrit en latin, il était douteux que Gilliatt, qui ne savait pas le latin, lût ce livre.

Mais ce sont précisément les livres qu’un homme ne lit pas qui l’accusent le plus. L’inquisition d’Espagne a jugé ce point et l’a mis hors de doute.

Du reste ce n’était autre chose que le traité du docteur Tilingius sur la Rhubarbe, publié en Allemagne en 1679.

On n’était pas sûr que Gilliatt ne fît des charmes, des philtres et des « bouilleries ». Il avait des fioles.

Pourquoi allait-il se promener le soir, et quelquefois jusqu’à minuit, dans les falaises ? évidemment pour causer avec les mauvaises gens qui sont la nuit au bord de la mer dans de la fumée.

Une fois il avait aidé la sorcière de Torteval à désembourber son chariot. Une vieille, nommée Moutonne Gahy.

À un recensement qui s’était fait dans l’île, interrogé sur sa profession, il avait répondu : — Pêcheur, quand il y a du poisson à prendre. — Mettez-vous à la place des gens, on n’aime pas ces réponses-là.

La pauvreté et la richesse sont de comparaison. Gilliatt avait des champs et une maison, et, comparé à ceux qui n’ont rien du tout, il n’était pas pauvre. Un jour, pour