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IX

L’HOMME QUI AVAIT DEVINÉ RANTAINE


Tant que mess Lethierry avait pu naviguer, il avait conduit la Durande, et il n’avait pas eu d’autre pilote et d’autre capitaine que lui-même ; mais il était venu une heure, nous l’avons dit, où mess Lethierry avait dû se faire remplacer. Il avait choisi pour cela sieur Clubin, de Torteval, homme silencieux. Sieur Clubin avait sur toute la côte un renom de probité sévère. C’était l’alter ego et le vicaire de mess Lethierry.

Sieur Clubin, quoiqu’il eût plutôt l’air d’un notaire que d’un matelot, était un marin capable et rare. Il avait tous les talents que veut le risque perpétuellement transformé. Il était arrimeur habile, gabier méticuleux, bosseman soigneux et connaisseur, timonier robuste, pilote savant, et hardi capitaine. Il était prudent, et il poussait quelquefois la prudence jusqu’à oser, ce qui est une grande qualité à la mer. Il avait la crainte du probable tempérée par l’instinct du possible. C’était un de ces marins qui affrontent le