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LE REVOLVER

contrebandière, oubliée aujourd’hui, et qui était à l’espagnol ce que le levantin est à l’italien.

Sur beaucoup de points du littoral anglais et français, la contrebande était en cordiale entente secrète avec le négoce patent et patenté. Elle avait ses entrées chez plus d’un haut financier, par la porte dérobée, il est vrai ; et elle fusait souterrainement dans la circulation commerciale et dans tout le système veineux de l’industrie. Négociant par devant, contrebandier par derrière ; c’était l’histoire de beaucoup de fortunes. Séguin le disait de Bourgain ; Bourgain le disait de Séguin. Nous ne nous faisons point garant de leurs paroles ; peut-être se calomniaient-ils l’un et l’autre. Quoi qu’il en fût, la contrebande, traquée par la loi, était incontestablement fort bien apparentée dans la finance. Elle était en rapport avec « le meilleur monde ». Cette caverne, où Mandrin coudoyait jadis le comte de Charolais, était honnête au dehors, et avait une façade irréprochable sur la société ; pignon sur rue.

De là beaucoup de connivences, nécessairement masquées. Ces mystères voulaient une ombre impénétrable. Un contrebandier savait beaucoup de choses, et devait les taire ; une foi inviolable et rigide était sa loi. La première qualité d’un fraudeur était la loyauté. Sans discrétion pas de contrebande. Il y avait le secret de la fraude comme il y a le secret de la confession.

Ce secret était imperturbablement gardé. Le contrebandier jurait de tout taire, et tenait parole. On ne pouvait se fier à personne mieux qu’à un fraudeur. Le juge-alcade d’Oyarzun prit un jour un contrebandier des ports secs, et