Page:Hugo - Les Travailleurs de la mer Tome I (1891).djvu/266

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
262
LES TRAVAILLEURS DE LA MER

vient-il y tourbillonner ? L’impalpable s’y condense-t-il jusqu’à prendre forme ? Énigmes. L’horreur sacrée est dans ces pierres. Cette ombre qui est dans ces chambres défendues est plus que de l’ombre ; c’est de l’inconnu. Après le soleil couché, les bateaux pêcheurs rentreront, les oiseaux se tairont, le chevrier qui est derrière le rocher s’en ira avec ses chèvres, les entre-deux des pierres livreront passage aux premiers glissements des reptiles rassurés, les étoiles commenceront à regarder, la bise soufflera, le plein de l’obscurité se fera, ces deux fenêtres seront là, béantes. Cela s’ouvre aux songes ; et c’est par des apparitions, par des larves, par des faces de fantômes vaguement distinctes, par des masques dans des lueurs, par de mystérieux tumultes d’âmes et d’ombres, que la croyance populaire, à la fois stupide et profonde, traduit les sombres intimités de cette demeure avec la nuit.

La maison est « visionnée » ; ce mot répond à tout.

Les esprits crédules ont leur explication ; mais les esprits positifs ont aussi la leur. Rien de plus simple, disent-ils, que cette maison. C’est un ancien poste d’observation, du temps des guerres de la révolution et de l’empire, et des contrebandes. Elle a été bâtie là pour cela. La guerre finie, le poste a été abandonné. On n’a pas démoli la maison parce qu’elle peut redevenir utile. On a muré la porte et les fenêtres du rez-de-chaussée contre les stercoraires humains, et pour que personne n’y pût entrer ; on a muré les fenêtres des trois côtés sur la mer, à cause du vent du sud et du vent d’ouest. Voilà tout.

Les ignorants et les crédules insistent. D’abord, la mai-