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Page:Hugo - Les Travailleurs de la mer Tome I (1891).djvu/269

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LE REVOLVER

accrochés là par d’imprudents passants nocturnes qui avaient cru voir quelque chose, et qui, par ces cadeaux, espéraient obtenir leur pardon, et conjurer la mauvaise humeur des stryges, des larves et des brucolaques. Il y a eu de tout temps des crédules aux abacas et aux sabbats, et même d’assez haut placés. César consultait Sagane, et Napoléon mademoiselle Lenormand. Il est des consciences inquiètes jusqu’à tâcher d’obtenir des indulgences du diable. Que Dieu fasse et que Satan ne défasse pas ! c’était là une des prières de Charles-Quint. D’autres esprits sont plus timorés encore. Ils vont jusqu’à se persuader qu’on peut avoir des torts envers le mal. Être irréprochable vis-à-vis du démon, c’est une de leurs préoccupations. De là des pratiques religieuses tournées vers l’immense malice obscure. C’est un bigotisme comme un autre. Les crimes contre le démon existent dans certaines imaginations malades ; avoir violé la loi d’en bas tourmente de bizarres casuistes de l’ignorance ; on a des scrupules du côté des ténèbres. Croire à l’efficacité de la dévotion aux mystères du Brocken et d’Armuyr, se figurer qu’on a péché contre l’enfer, avoir recours pour des infractions chimériques à des pénitences chimériques, avouer la vérité à l’esprit de mensonge, faire son mea culpa devant le père de la faute, se confesser en sens inverse, tout cela existe ou a existé ; les procès de magie le prouvent à chaque page de leurs dossiers. Le songe humain va jusque-là. Quand l’homme se met à s’effarer, il ne s’arrête point. On rêve des fautes imaginaires, on rêve des purifications imaginaires, et l’on fait faire le nettoyage de sa conscience par l’ombre du balai des sorcières.