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LES TRAVAILLEURS DE LA MER

n’est plus fréquent dans l’architecture de la mer. Pour arriver, en venant du rivage, au plateau de la roche à pic, on suit un plan incliné dont la montée est quelquefois assez âpre.

C’est sur un plateau de ce genre qu’était debout vers quatre heures du soir un homme enveloppé dans une large cape d’ordonnance et probablement armé dessous, chose facile à reconnaître à de certains plis droits et anguleux de son manteau. Le sommet où se tenait cet homme était une plate-forme assez vaste, semée de gros cubes de roche pareils à des pavés démesurés, et laissant entre eux des passages étroits. Cette plate-forme, où croissait une petite herbe épaisse et courte, se terminait du côté de la mer par un espace libre, aboutissant à un escarpement vertical. L’escarpement, élevé d’une soixantaine de pieds au-dessus de la haute mer, semblait taillé au fil à plomb. Son angle de gauche pourtant se ruinait et offrait un de ces escaliers naturels propres aux falaises de granit, dont les marches peu commodes exigent quelquefois des enjambées de géants ou des sauts de clowns. Cette dégringolade de rochers descendait perpendiculairement jusqu’à la mer et s’y enfonçait. C’était à peu près un casse-cou. Cependant, à la rigueur, on pouvait par là s’aller embarquer sous la muraille même de la falaise.

La brise soufflait. L’homme serré dans sa cape, ferme sur ses jarrets, la main gauche empoignant son coude droit, clignait un œil et appuyait sur l’autre une longue-vue. Il semblait absorbé dans une attention sérieuse. Il s’était approché du bord de l’escarpement, et il se tenait là immobile,