— Très bien, répondit sieur Clubin.
Rantaine fit un pas vers sieur Clubin.
Un petit coup sec arriva à son oreille. C’était sieur Clubin qui armait le revolver.
— Rantaine, nous sommes à quinze pas. C’est une bonne distance. Restez où vous êtes.
— Ah çà, fit Rantaine, qu’est-ce que vous me voulez ?
— Moi, je viens causer avec vous.
Rantaine ne bougea plus. Sieur Clubin reprit :
— Vous venez d’assassiner un garde-côte.
Rantaine souleva le bord de son chapeau et répondit :
— Vous m’avez déjà fait l’honneur de me le dire.
— En termes moins précis. J’avais dit : un homme ; je dis maintenant : un garde-côte. Ce garde-côte portait le numéro six cent dix-neuf. Il était père de famille. Il laisse une femme et cinq enfants.
— Ça doit être, dit Rantaine.
Il y eut un imperceptible temps d’arrêt.
— Ce sont des hommes de choix, ces gardes-côtes, fit Clubin, presque tous d’anciens marins.
— J’ai remarqué, dit Rantaine, qu’en général on laisse une femme et cinq enfants.
Sieur Clubin continua :
— Devinez combien m’a coûté ce revolver ?
— C’est une jolie pièce, répondit Rantaine.
— Combien l’estimez-vous ?
— Je l’estime beaucoup.
— Il m’a coûté cent quarante-quatre francs.
— Vous avez dû acheter ça, dit Rantaine, à la boutique d’armes de la rue Coutanchez.