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Casquets, Aurigny est Londres. La fille du garde-phare Houguer, née aux Casquets, fit à l’âge de vingt ans, le voyage d’Aurigny. Elle fut éperdue du tumulte et redemanda son rocher. Elle n’avait jamais vu de bœufs. En apercevant un cheval, elle s’écria : Quel gros chien !

On est très jeune vieux, non de fait, mais de droit, en ces îles normandes. Deux passants causent : — Le bon homme qui venait tous les jours par ici, il est mort. — Quel âge avait-il ? — Mais bien trente-six ans.

Les femmes de cette Normandie insulaires sont, est-ce un blâme ? est-ce un éloge ? difficilement servantes. Deux dans la même maison ont quelque peine à s’accorder. Elles ne se font aucune concession ; de là un service peu souple, très intermittent, et fort cahoté. Elles s’occupent médiocrement de leur maître, sans lui en vouloir, Il devient ce qu’il peut. En 1852, une famille française, débarquée à Jersey à la suite d’événements, prit à son service une cuisinière native de Saint-Brelade et une femme de chambre native de Boulay-bay. Un matin de décembre, le maître de la maison, levé au petit jour, trouva la porte du logis, qui donnait sur un grand chemin, ouverte à deux battants, et plus de servantes. Ces deux femmes n’avaient pu s’entendre, et à la suite d’une querelle, ayant probablement du reste quelques motifs pour se considérer comme payées de leurs gages, elles avaient empaqueté leurs nippes et s’en étaient allées, chacune de son côté, au milieu de la nuit, laissant derrière elles leurs maîtres endormis et la porte ouverte. L’une avait dit à l’autre : Je ne reste pas avec une beuveresse, et l’autre avait répliqué : Je ne reste pas avec une voleresse.