Page:Hugo - Les Travailleurs de la mer Tome I (1891).djvu/68

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phète. Personne n’a rien à y voir. Au besoin les policemen vous aident. D’entrave point. Toute liberté ; spectacle grandiose. On discute la chose jugée. De même qu’on sermonne le prêtre, on juge le juge. Les journaux impriment : « Hier, la cour a rendu un arrêt inique. » L’erreur judiciaire possible n’a droit, chose étonnante, à aucun respect. La justice humaine est livrée aux contestations comme la révélation céleste. L’indépendance individuelle irait difficilement plus loin. Chacun est son propre souverain, non de par la loi, mais de par les mœurs. Souveraineté si entière et si mêlée à la vie qu’on ne la sent, pour ainsi dire, plus. Le droit est devenu respirable ; il est incolore, inaperçu et nécessaire comme l’air. En même temps, on est « loyal ». Ce sont des citoyens qui ont la vanité d’être sujets. Au total le dix-neuvième siècle règne et gouverne. Il entre par toutes les fenêtres de ce moyen âge resté debout. La vieille légalité normande est de part en part traversée par la liberté. Cette masure est pleine de cette lumière. Jamais anachronisme ne fut si peu réfractaire. L’histoire fait gothique cet archipel, l’industrie et l’intelligence le font actuel. Il échappe à l’immobilisation par le simple jeu des poumons du peuple. Ce qui n’empêche pas qu’on ne soit seigneur de Mélèches. Une féodalité de droit, une république de fait. Tel est le phénomène.

Cette liberté souffre une exception ; une seule ; nous l’avons indiquée déjà. Il existe en Angleterre un tyran. Le tyran des anglais a le même nom que le créancier de don Juan, il s’appelle Dimanche. L’Angleterre est le peuple qui a dit ; time is money ; le tyran Dimanche réduit la semaine