coup de gens, et surtout selon les religions d’état, haïr nos ennemis c’est la meilleure manière de nous aimer, le catholicisme doit se trouver fort aimé dans les îles de la Manche.
Pour le nouveau venu sorti d’un naufrage et faisant là un stage dans la destinée inconnue, quelquefois l’accablement de ces solitudes est profond ; il y a du désespoir dans l’air ; et tout à coup on y sent une caresse, un souffle passé qui vous relève. Qu’est ce souffle ? une note, un mot, un soupir ? rien. Ce rien suffit. Qui n’a senti en ce monde la puissance de ceci : un rien !
Il y a dix ou douze ans, un français, débarqué depuis peu à Guernesey, rôdait sur une des grèves de l’ouest, seul, triste, amer, songeant à la patrie perdue. À Paris, on flâne, à Guernesey, on rôde. Cette île lui apparaissait lugubre, la brume couvrait tout, la côte sonnait sous la vague, la mer faisait sur les rochers d’immenses décharges d’écume, le ciel était hostile et noir. On était pourtant au printemps ; mais le printemps de la mer a un nom farouche, il s’appelle équinoxe. Il est plus volontiers ouragan que zéphyr, et l’on pourrait citer un jour de mai où l’écume, sous ce souffle, a sauté vingt pieds au-dessus de la pointe du mât de signal qui est sur la plus haute plate-forme du château Cornet. Ce français avait le sentiment qu’il était en Angleterre ; il ne savait pas un mot d’anglais ; il voyait un vieil Union-Jack, déchiré par le vent, flotter sur une tour ruinée au bout d’un cap désert ; deux ou trois chaumières étaient là ; au loin tout était sable, bruyère, lande, ajonc, épineux ; quelques batteries rasantes, à larges embrasures, montraient leurs angles ; les pierres taillées par l’homme avaient la même