Page:Hugo - Notre-Dame de Paris, 1844.djvu/290

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
228
notre-dame de paris.

Un moment après il fallait se pencher de nouveau, et dame Aloïse lui disait : — Avez-vous jamais vu figure plus avenante et plus égayée que votre accordée ? Est-on plus blanche et plus blonde ? ne sont-ce pas là des mains accomplies ! et ce cou-là ne prend-il pas, à ravir, toutes les façons d’un cygne ? Que je vous envie par moments ! et que vous êtes heureux d’être homme, vilain libertin que vous êtes ! N’est-ce pas que ma Fleur- de-Lys est belle par adoration et que vous en êtes éperdu ?

— Sans doute, répondait-il tout en pensant à autre chose.

— Mais parlez-lui donc, dit tout à coup madame Aloïse en le poussant par l’épaule ; dites-lui donc quelque chose ; vous êtes devenu bien timide.

Nous pouvons affirmer à nos lecteurs que la timidité n’était ni la vertu ni le défaut du capitaine. Il essaya pourtant de faire ce qu’on lui demandait.

— Belle cousine, dit-il en s’approchant de Fleur-de-Lys, quel est le sujet de cet ouvrage de tapisserie que vous façonnez !

— Beau cousin, répondit Fleur-de-Lys avec un accent de dépit, je vous l’ai déjà dit trois fois : c’est la grotte de Neptunus.

Il était évident que Fleur-de-Lys voyait beaucoup plus clair que sa mère aux manières froides et distraites du capitaine. Il sentit la nécessité de faire quelque conversation.

— Et pour qui toute cette neptunerie ! demanda-t-il.

— Pour l’abbaye Saint-Antoine-des-Champs, dit Fleur-de-Lys sans lever les yeux.

Le capitaine prit un coin de la tapisserie :

— Qu’est-ce que c’est, ma belle cousine, que ce gros gendarme qui souffle à pleines joues dans une trompette ?

— C’est Trito, répondit-elle.

Il y avait toujours une intonation un peu boudeuse dans les brèves paroles de Fleur-de-Lys. Le jeune homme comprit qu’il était indispensable de lui dire quelque chose à l’oreille, une fadaise, une galanterie, n’importe quoi. Il se pencha donc, mais il ne put rien trouver dans son imagination de plus tendre et de plus intime que ceci : — Pourquoi votre mère porte-t-elle toujours une cotte-hardie armoriée comme nos grand’s-mères du temps de Charles VII ! Dites-lui donc, belle cousine, que ce n’est plus l’élégance d’à présent, et que son gond et son laurier brodés en blason sur sa robe lui donnent l’air d’un manteau de cheminée qui marche. En vérité, on ne s’assied plus ainsi sur sa bannière, je vous jure.

Fleur-de-Lys leva sur lui ses beaux yeux pleins de reproche : — Est-ce là tout ce que vous me jurez ! dit-elle à voix basse.