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monsieur le cardinal

qui le suivait de près et qui entra presque en même temps que lui dans l’estrade ; c’était l’ambassade de Flandre.

Non qu’il fût profond politique, et qu’il se fît une affaire des suites possibles du mariage de madame sa cousine Marguerite de Bourgogne avec monsieur son cousin Charles, dauphin de Vienne ; combien durerait la bonne intelligence plâtrée du duc d’Autriche et du roi de France ; comment le roi d’Angleterre prendrait ce dédain de sa fille : cela l’inquiétait peu, et il fêtait chaque soir le vin du crû royal de Chaillot, sans se douter que quelques flacons de ce même vin (un peu revu et corrigé, il est vrai, par le médecin Coictier), cordialement offerts à Édouard IV par Louis XI, débarrasseraient un beau matin Louis XI d’Édouard IV. La moult honorée ambassade de monsieur le duc d’Autriche n’apportait au cardinal aucun de ces soucis, mais elle l’importunait par un autre côté. Il était en effet un peu dur, et nous en avons déjà dit un mot à la deuxième page de ce livre, d’être obligé de faire fête et bon accueil, lui Charles de Bourbon, à je ne sais quels bourgeois ; lui cardinal, à des échevins ; lui Français, joyeux convive, à des Flamands buveurs de bière ; et cela en public. C’était là, certes, une des plus fastidieuses grimaces qu’il eût jamais faites pour le bon plaisir du roi.

Il se tourna donc vers la porte, et de la meilleure grâce du monde tant il s’y étudiait), quand l’huissier annonça d’une voix sonore : Messieurs les envoyés de monsieur le duc d’Autriche. Il est inutile de dire que la salle entière en fit autant.

Alors arrivèrent, deux par deux, avec une gravité qui faisait contraste au milieu du pétulant cortége ecclésiastique de Charles de Bourbon, les quarante-huit ambassadeurs de Maximilien d’Autriche, ayant en tête révérend père en Dieu, Jehan, abbé de Saint-Bertin, chancelier de la Toison-d’Or, et Jacques de Goy, sieur Dauby, haut bailli de Gand. Il se fit dans l’assemblée un grand silence accompagné de rires étouffés pour écouter tous les noms saugrenus et toutes les qualifications bourgeoises que chacun de ces personnages transmettait imperturbablement à l’huissier, qui jetait ensuite noms et qualités pêle-mêle et tout estropiés à travers la foule. C’était maître Loys Roelof, échevin de la ville de Louvain ; messire Clays d’Étuelde, échevin de Bruxelles ; messire Paul de Baeust, sieur de Voirmizelle, président de Flandre ; maître Jehan Coleghens, bourgmestre de la ville d’Anvers ; maître Georges de la Moere, premier échevin de la kuere de la ville de Gand ; maître Gheldolf vander Hage, premier échevin des parchons de ladite ville ; et le sieur de Bierbecque, et Jehan Pinnock,