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Page:Hugo - Ruy Blas, édition 1839.djvu/225

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Scène QUATRIÈME.

LA REINE, RUY BLAS.
Ruy Blas fait quelques pas en chancelant vers la reine immobile et glacée, puis il tombe à deux genoux, l’œil fixé à terre, comme s’il n’osait lever les yeux jusqu’à elle.
Ruy Blas, d’une voix grave et basse.

Ciel !Maintenant, madame, il faut que je vous dise.
— Je n’approcherai pas. — Je parle avec franchise.
Je ne suis point coupable autant que vous croyez.
Je sens, ma trahison, comme vous la voyez,
Doit vous paraître horrible… Oh ! ce n’est pas facile
À raconter. Pourtant je n’ai pas l’âme vile.
Je suis honnête au fond. — Cet amour m’a perdu. —
Je ne me défends pas, je sais bien, j’aurais dû
Trouver quelque moyen. La faute est consommée !
— C’est égal, voyez-vous, je vous ai bien aimée.

La Reine.

Monsieur…

Ruy Blas, toujours à genoux.

Monsieur…N’ayez pas peur, je n’approcherai point.
À votre majesté je vais de point en point
Tout dire. Oh ! croyez-moi, je n’ai pas l’âme vile ! —
Aujourd’hui tout le jour j’ai couru par la ville
Comme un fou. Bien souvent même on m’a regardé.
Auprès de l’hôpital que vous avez fondé,
J’ai senti vaguement, à travers mon délire,
Une femme du peuple essuyer sans rien dire