Page:Hugo - Ruy Blas, édition 1839.djvu/51

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Il est, dans Aranjuez ou dans l’Escurial,
— Dans ce palais, parfois, — mon frère, il est un homme
Qu’à peine on voit d’en bas, qu’avec terreur on nomme ;
Pour qui, comme pour Dieu, nous sommes égaux tous ;
Qu’on regarde en tremblant et qu’on sert à genoux ;
Devant qui se couvrir est un honneur insigne ;
Qui peut faire tomber nos deux têtes d’un signe ;
Dont chaque fantaisie est un événement ;
Qui vit, seul et superbe, enfermé gravement
Dans une majesté redoutable et profonde ;
Et dont on sent le poids dans la moitié du monde.
Eh bien ! — moi, le laquais, — tu m’entends, — Eh bien ! oui,
Cet homme-là ! le roi ! je suis jaloux de lui !

Don César.

Jaloux du roi !

Ruy Blas.

Jaloux du roi !Hé oui, jaloux du roi ! sans doute,
Puisque j’aime sa femme !

Don César.

Puisque j’aime sa femme !Oh ! malheureux !

Ruy Blas.

Puisque j’aime sa femme ! Oh ! malheureux !Écoute.
Je l’attends tous les jours au passage. Je suis
Comme un fou. Ho ! sa vie est un tissu d’ennuis,
À cette pauvre femme ! — Oui, chaque nuit j’y songe ! —