Page:Hugo - Ruy Blas, édition 1839.djvu/54

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Don César.

Là ; ne te fâche pas.

Ruy Blas, tombant épuisé et pâle sur le fauteuil.

Là ; ne te fâche pas.Non. Je souffre. — Pardonne.
Ou plutôt, va, fuis-moi. Va-t’en, frère. Abandonne
Ce misérable fou qui porte avec effroi
Sous l’habit d’un valet les passions d’un roi !

Don César, lui posant la main sur l’épaule.

Te fuir ! — moi qui n’ai pas souffert, n’aimant personne,
Moi, pauvre grelot vide où manque ce qui sonne,
Gueux, qui vais mendiant l’amour je ne sais où,
À qui de temps en temps le destin jette un sou,
Moi, cœur éteint, dont l’âme, hélas ! s’est retirée,
Du spectacle d’hier affiche déchirée,
Vois-tu, pour cet amour dont tes regards sont pleins !
Mon frère, je t’envie autant que je te plains !
— Ruy Blas ! —

Moment de silence. Ils se tiennent les mains serrées en se regardant tous les deux avec une expression de tristesse et d’amitié confiante.
Entre don Salluste. Il s’avance à pas lents, fixant un regard d’attention profonde sur don César et Ruy Blas, qui ne le voient pas. Il tient d’une main un chapeau et une épée qu’il dépose en entrant sur un fauteuil, et de l’autre une bourse qu’il apporte sur la table.
Don Salluste, à don César.

Ruy Blas ! —Voici l’argent :