Page:Hugo - William Shakespeare, 1864.djvu/165

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culminant ; et, vue du point culminant, la poésie est immanente. Il n’y a ni hausse ni baisse dans l’art. Le génie humain est toujours dans son plein ; toutes les pluies du ciel n’ajoutent pas une goutte d’eau à l’océan ; une marée est une illusion ; l’eau ne descend sur un rivage que pour monter sur l’autre. Vous prenez des oscillations pour des diminutions. Dire : il n’y aura plus de poëtes, c’est dire : il n’y aura plus de reflux.

La poésie est élément. Elle est irréductible, incorruptible et réfractaire. Comme la mer, elle dit chaque fois tout ce qu’elle a à dire ; puis elle recommence avec une majesté tranquille, et avec cette variété inépuisable qui n’appartient qu’à l’unité. Cette diversité dans ce qui semble monotone est le prodige de l’immensité.

Flot sur flot, vague après vague, écume derrière écume, mouvement puis mouvement. L’Iliade s’éloigne, le Romancero arrive ; la Bible s’enfonce, le Koran surgit ; après l’aquilon Pindare vient l’ouragan Dante. L’éternelle poésie se répète-t-elle ? Non. Elle est la même et elle est autre. Même souffle, autre bruit.

Prenez-vous le Cid pour un plagiaire d’Ajax ? Prenez-vous Charlemagne pour un copiste d’Agamemnon ? — « Rien de nouveau sous le soleil. » — « Votre nouveau est du vieux qui