Page:Hugo - William Shakespeare, 1864.djvu/357

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rayonnent, avec l’abîme autour d’eux pour condition.

Leurs allées et venues dans l’idéal donnent le vertige. Rien n’est trop haut pour eux, et rien n’est trop bas. Ils vont du pygmée au cyclope, de Polyphème aux Myrmidons, de la reine Mab à Caliban, et d’une amourette à un déluge, et de l’anneau de Saturne à la poupée d’un petit enfant. Sinite parvulos venire. Ils ont une prunelle télescope et une prunelle microscope. Ils fouillent familièrement ces deux effrayantes profondeurs inverses, l’infiniment grand et l’infiniment petit.

Et l’on ne serait pas furieux contre eux ! et l’on ne leur reprocherait pas tout cela ! Allons donc ! Où irait-on si de tels excès étaient tolérés ? Pas de scrupule dans le choix des sujets, horribles ou douloureux, et toujours l’idée, fût-elle inquiétante et redoutable, suivie jusqu’à son extrémité, sans miséricorde pour le prochain. Ces poëtes ne voient que leur but. Et en toute chose une façon de faire immodérée. Qu’est-ce que Job ? un ver sur un ulcère. Qu’est-ce que la Divine Comédie ? une série de supplices. Qu’est-ce que l’Iliade ? une collection de plaies et blessures. Pas une artère coupée qui ne soit complaisamment décrite. Faites un tour d’opinions sur Homère ; demandez à Scaliger, à Terrasson, à Lamotte, ce qu’ils en pensent. Le quart d’un