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Page:Hugo - William Shakespeare, 1864.djvu/464

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Pas de poëte sans cette activité d’âme qui est la résultante de la conscience. Les lois morales anciennes veulent être constatées, les lois morales nouvelles veulent être révélées ; ces deux séries ne coïncident pas sans quelque effort. Cet effort incombe au poëte. Il fait à chaque instant fonction de philosophe. Il faut qu’il défende, selon le côté menacé, tantôt la liberté de l’esprit humain, tantôt la liberté du cœur humain, aimer n’étant pas moins sacré que penser. Rien de tout cela n’est l’Art pour l’Art.

Le poëte arrive au milieu de ces allants et venants qu’on nomme les vivants, pour apprivoiser, comme l’Orphée antique, les mauvais instincts, les tigres qui sont dans l’homme, et, comme l’Amphion légendaire, pour remuer toutes les pierres, les préjugés et les superstitions, mettre en mouvement les blocs nouveaux, refaire les assises et les bases, et rebâtir la ville, c’est-à-dire la société.

Que ce service rendu, coopérer à la civilisation, entraîne déperdition de beauté pour la poésie et de dignité pour le poëte, on ne peut énoncer cette proposition sans sourire. Toutes ces grâces, tous ses charmes, tous ses prestiges, l’art utile les conserve et les augmente. En vérité, parce qu’il a pris fait et cause pour Prométhée, l’homme progrès, crucifié sur le Caucase par la force et