Page:Hugo - William Shakespeare, 1864.djvu/70

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du rayon d’airain tombant à pic sur le désert emplit ce poëme chauffé à blanc. Job est en sueur sur son fumier. L’ombre de Job est petite et noire et cachée sous lui comme la vipère sous le rocher. Les mouches tropicales bourdonnent sur ses plaies. Job a au-dessus de sa tête cet affreux soleil arabe, éleveur de monstres, exagérateur de fléaux, qui change le chat en tigre, le lézard en crocodile, le pourceau en rhinocéros, l’anguille en boa, l’ortie en cactus, le vent en simoun, le miasme en peste. Job est antérieur à Moïse. Loin dans les siècles, à côté d’Abraham, le patriarche hébreu, il y a Job, le patriarche arabe. Avant d’être éprouvé, il avait été heureux : l’homme le plus haut de tout l’Orient, dit son poëme. C’était le laboureur roi. Il exerçait l’immense prêtrise de la solitude. Il sacrifiait et sanctifiait. Le soir, il donnait à la terre la bénédiction, le « barac ». Il était lettré. Il connaissait le rhythme. Son poëme, dont le texte arabe est perdu, était écrit en vers ; cela du moins est certain à partir du verset 3 du chapitre ni jusqu’à la fin. Il était bon. Il ne rencontrait pas un enfant pauvre sans lui jeter la petite monnaie kesitha ; il était « le pied du boiteux et l’œil de l’aveugle. » C’est de cela qu’il a été précipité. Tombé, il devient gigantesque. Tout le poëme de Job est le développement de cette