Page:Hugo - William Shakespeare, 1864.djvu/73

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derrière lui, dans l’Orient, la résignation de Job, la complète à son insu par la révolte de Prométhée ; de sorte que la leçon sera entière, et que le genre humain, à qui Job n’enseignait que le devoir, sentira dans Prométhée poindre le droit. Une sorte d’épouvante emplit Eschyle d’un bout à l’autre ; une méduse profonde s’y dessine vaguement derrière les figures qui se meuvent dans la lumière. Eschyle est magnifique et formidable. ; comme si l’on voyait un froncement de sourcil au-dessus du soleil. Il a deux Caïns, Étéocle et Polynice ; la Genèse n’en a qu’un. Sa nuée d’océanides va et vient dans un ciel ténébreux, comme une troupe d’oiseaux chassés. Eschyle n’a aucune des proportions connues. Il est rude, abrupt, excessif, incapable de pentes adoucies, presque féroce, avec une grâce à lui qui ressemble aux fleurs des lieux farouches, moins hanté des nymphes que des euménides, du parti des Titans, parmi les déesses choisissant les sombres, et souriant sinistrement aux gorgones, fils de la terre comme Othryx et Briarée, et prêt à recommencer l’escalade contre le parvenu Jupiter. Eschyle est le mystère antique fait homme ; quelque chose comme un prophète païen. Son œuvre, si nous l’avions toute, serait une sorte de Bible grecque. Poëte hécatonchire, ayant un Oreste plus fatal