Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Choses vues, tome II.djvu/53

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— Eh bien, ils ont tout gâté, tout refait, c’est-à-dire tout défait. Je ne suis pas entré dans le palais, mais j’ai vu le jardin. Tout est bouleversé. Ils ont fait des allées anglaises dans la pépinière ! Des allées anglaises dans une pépinière ! Comprend-on cela ? C’est bête.

— Oui, lui dis-je. C’est le propre du temps que nous traversons de mêler les petites bêtises aux grandes folies.

Nous en étions là quand la voiture s’arrêta devant le perron de l’Assemblée. Je descendis. Nous n’eûmes que le temps d’échanger nos adresses.

— Où demeurez-vous, à présent, Monsieur Hugo ?

— Rue de la Tour-d’Auvergne, 37. Et vous, Monsieur le chancelier ?

— Rue Royale, numéro 20.

— À propos, reprit-il en fermant la portière, cela s’appelle-t-il encore rue Royale ?




7 mai 1849.

M. Pasquier m’a dit ce soir : — Blanqui ! mais le document Taschereau n’est rien ! Voici comment il a été arrêté en 1839. Il était caché et nous ne savions où le prendre. Du reste sa cachette l’ennuyait. Il y était avec deux de ses camarades recherchés comme lui. Il trouva moyen de me faire savoir que si je voulais lui faire parvenir trois passeports avec de faux noms, lui et ses camarades en profiteraient, que les passeports devraient être visés pour la Suisse, qu’ils prendraient tel jour, à telle heure, telle diligence, que ses camarades y arriveraient sans défiance avec lui, et qu’on pourrait ainsi empoigner ses deux compagnons. La chose fut faite, on envoya les passeports, et on les prit tous les trois.

— Tous les trois ? dis-je.

— Sans doute.

— Blanqui, repris-je, était un gueux, mais il était peu loyal de le prendre à son propre piège.

— Cela se fait ainsi, m’a répondu M. Pasquier.

M. Pasquier est un chancelier de France dans lequel il y a un préfet de police.