Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Correspondance, tome III.djvu/151

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
À Monsieur Ballande.


Hauteville-House, 24 octobre[1].

Je subis un ostracisme politique. L’interdiction de mon répertoire à Paris fait partie de la politique petite et sournoise qui règne depuis tout à l’heure dix-huit ans ; le coup d’état qui a été le triomphe de cette politique m’a exilé de deux façons, de France, comme citoyen, du théâtre, comme poëte. L’avenir jugera : moi, j’attends. — Je n’ai rien à demander et personne ne doit rien demander en mon nom[2]. Le pouvoir me persécute, mais je ne le connais pas. — Je me trompe, je le connais ; mais comme historien en ce moment, comme juge plus tard. D’ici là, patience[3].


À François-Victor[4].


26 octobre. H.-H.

D’abord une toute petite rectification. De minimis curât prœtor. Mon Victor, M. Van Vambeke n’a pu vous prendre aucun droit de banque, puisque je lui ai envoyé ce droit fixé par lui-même dans la traite de 15 615 fr.

Maintenant je passe à Adèle. Tu trouveras ci-incluse une traite à son ordre de 864 fr. sur lesquels il y a 858 fr. pour elle et 6 fr. pour toi (achat d’une bank-note).

Il me tarde d’avoir la réponse de notre pauvre égarée. Voilà cinq ans qu’à cause d’elle, j’ai le cœur serré. Qu’elle revienne, et en même temps que mon cœur s’épanouira, mes bras s’ouvriront.

Le compte d’Adèle est ci-joint. Envoie-le lui, en lui faisant remarquer qu’elle reçoit là toute sa fin d’année (plus le reliquat de 83 fr. sur le fonds italien) et que je lui donne les 300 fr. qu’elle avait reçus d’avance sur septembre et octobre (ancienne pension). Je crois que tu feras bien de garder un double de ce compte. Mais il importe qu’elle l’ait. Sur les 858 fr. rembourse-toi, cela va sans dire, des 250 fr. avancés par toi.

  1. Le catalogue Charavay indique entre parenthèses le millésime 1866, ce qui, d’après le texte même, est une erreur : ... tout à l’heure dix-huit ans de cette politique. Cela daterait la lettre de 1869 ; d’autre part, nous verrons plus loin que, le 24 octobre 1869, Victor Hugo était à Bruxelles. Nous plaçons donc, sous toutes réserves, cet extrait en 1868.
  2. Ballande, fondateur des Matinées littéraires, caressait sans doute le projet d’inaugurer un théâtre par une œuvre de Victor Hugo, et comme il se faisait fort d’obtenir du gouvernement l’autorisation nécessaire, il s’attira cette réponse.
  3. Torquemada. Historique. Édition de l’Imprimerie Nationale.
  4. Inédite.