Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Histoire, tome I.djvu/231

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

a l’air de vivre, mais un de ces matins, une révolution sortant brusquement de l’ombre touchera du doigt le fantôme et il croulera en poussière. Oui, la nation officielle est morte, morte sur son coup d’Etat du deux décembre, comme cet alchimiste qui expira sur la mixture vénéneuse qu’il avait faite, empoisonné par son chef-d’œuvre. Il n’eut que le temps de dire : — C’est fini. J’ai réussi. — Il était mort.

La révolution dont le souffle dissipera cette matière inerte et désagrégée qui a encore aujourd’hui la forme extérieure d’une administration, d’une armée, d’un clergé et d’une magistrature, cette révolution sera une restauration : la restauration du peuple.

Et ce jour-là, le jour où la vieille France officielle disparaîtra, le jour où ce cadavre s’en ira en cendre, le jour où ce spectre s’évanouira, on trouvera dessous, toute forte et toute jeune, la vraie nation, la vraie société, la vraie France. On verra surgir, rayonnant, des décombres de la dernière dictature, le peuple de la liberté. Les idées immortelles et nécessaires, les principes sociaux sortiront vivants de leurs hideux linceuls séculaires : la religion, du clergé ; la justice, de la magistrature. L’ancien juge et l’ancien prêtre tomberont comme des écorces, et donneront passage, l’un à la conscience humaine, l’autre à la loi divine. Le monde s’étonnera alors, il admirera, il dira, mais d’un autre accent : Quoi ! c’est là la France ! Qui donc parlait de décadence et de bas-empire ! C’est le puissant et pacifique peuple du suffrage universel, enseignant la République aux nations. Jamais la France n’a été plus magnifique. Elle est missionnaire, initiatrice et fraternelle. Elle est le progrès vivant. Elle n’est pas moins féconde par la parole que par l’action. Elle prodigue les explications et les exemples. Elle a des révolutions au-dessus desquelles on aperçoit des penseurs comme des lumières sur des sommets. L’humanité épelle la civilisation dans les livres de ses écrivains. Il semble que, comme l’orient autrefois, l’occident ait aujourd’hui son peuple de Dieu. Que s’est-il donc passé et d’où vient que ce peuple qui nous semblait si rapetissé, nous apparaisse si subitement grandi !

Il ne se sera rien passé qu’un fait très simple. Il y avait deux Frances, la fausse et la vraie, la France difforme du passé, la France officielle, la France fonctionnaire, et la rayonnante France de l’avenir.




La monarchie est finie en France, par une raison toute simple ; c’est qu’elle est finie en Europe.

La monarchie est la forme politique des âges antérieurs ; bonne alors, mauvaise aujourd’hui. C’est le vêtement trop étroit de l’enfant qui a grandi. Il faut que la croissance des peuples s’arrête, ou que la monarchie cède et se brise. Entourez un arbre d’un anneau de fer ; dans un temps donné, ou l’arbre périra, ou l’anneau se rompra. Or, les peuples ont la vie plus dure que les arbres. Ils brisent les cercles de fer. En ce moment l’anneau est rompu en France, et il tend à se rompre partout en Europe. C’est ce fait naturel, normal, irrésistible, c’est ce fait de croissance, c’est ce fait de sève qui ruisselle et qui monte, que veut empêcher le parti qui s’intitule parti de l’ordre et auquel nous restituons son vrai nom : parti du passé.

La maison de Bourbon a été illustre. Elle s’est évanouie en France comme la