Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Histoire, tome I.djvu/233

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tous ; toutes les fictions qui se heurtent, tous les mensonges qui se regardent en face, l’Angleterre, république sous le mot monarchie, coudoyant la France, monarchie sous le mot république ! partout des germes de haine, des alliances contre nature, des traités en ruines ; est-ce que vous ne voyez pas que cette vieille construction européenne, dont on soigne l’équilibre, n’est qu’un ensemble effrayant de porte-à-faux ? est-ce que vous ne voyez pas que tout cela est désordre, incohérence, trouble, lutte, confusion, chaos, et qu’il est temps que cette masure, l’Europe des rois, s’écroule et fasse place à ce majestueux édifice visible déjà dans l’azur de la future paix universelle et pleine du splendide rayonnement de l’avenir, l’Europe des peuples !



L’original de ce fragment inédit est dans le manuscrit (Conlusion), feuillets 225, 226, 227 et 228.

Page 195. [L’avenir, c’est la paix avec tous.]

La paix avec tous, la paix universelle, déjà, plus d’une fois, ce fait immense, qui sera la loi des générations futures, a été examiné, débattu, approfondi, raillé, répudié, nié. Puisqu’on ne se lasse pas de contester, il ne faut pas se lasser d’affirmer. Résumons donc en quelques mots et disons définitivement comment nous comprenons la solution de ce grand problème.

Ceux qui avaient intérêt à embrouiller cette question se sont plu à ne la poser jamais que dans ses termes les plus généraux : l’instinct de la guerre est-il inhérent à l’homme ? n’y a-t-il pas dans l’homme quelque chose d’inné qui, dans des circonstances données, le poussera toujours à lutter contre son semblable ? etc., etc. — Ils répondaient oui, on répliquait non ; dispute philosophique qui n’ayant pas de limite ni de contour avait ce grand avantage à leurs yeux de ne pouvoir jamais finir. Circonscrivons le problème et simplifions-le. Faisons-le descendre des hauteurs d’une question humaine aux proportions d’une question historique et politique. Ne parlons plus paix universelle, si vous le voulez, parlons paix continentale. Cela nous suffit pour ce siècle. Souvent creuser une question, c’est la résoudre.

Nous accordez-vous, oui ou non, qu’il y a eu un temps où un château faisait la guerre à un château, où une seigneurie faisait la guerre à une seigneurie, où une commune faisait la guerre à une commune, où, en France, par exemple, la vicomte de Thouars faisait la guerre à la baronnie de Niort ? Nous accordez-vous qu’une époque est venue où cette guerre a cessé ? Pourquoi ? Parce que, pour continuer l’exemple, le vicomte de Thouars et le baron de Niort se sont absorbés dans un personnage supérieur, le duc de Bretagne, parce que ces petites unités, le château, la seigneurie, la commune, se sont absorbées et confondues dans une unité plus grande, la province ? Nous accordez-vous cela ? — Sans doute, car il faudrait nier l’histoire. — Maintenant, nous accordez-vous qu’il y a eu, — c’est l’époque qui vient ensuite, — un temps où la province faisait la guerre à la province, où l’Aquitaine envahissait le Poitou, où la Bourgogne se ruait sur la Picardie ? — Sans doute. — Nous accordez-vous qu’à l’époque où nous sommes cette guerre a disparu ? Pourquoi ? parce que la comté, la duché, la province, unité inférieure.